Captain America: le Soldat de l’hiver

Bien le bonjour ! Après mon article sur Thor: le Monde des ténèbres, où je délivrais une critique acerbe de ce film, je ne peux pas vous dire à quel point je suis heureux de pouvoir à nouveau parler d’une écriture de personnage décente, pleine d’émotion et de drame. Aujourd’hui, c’est Captain America: le Soldat de l’hiver qui passe à la casserole, et je peux vous dire que rien ne me fait plus plaisir d’en parler, surtout après avoir dû soigner l’ulcère que m’a provoqué le film d’avant.

Sans plus de mondanités, lançons-nous dans l’aventure !

Attention, passé ce message, vous prenez le risque de tomber sur un spoiler du film Captain America: le Soldat de l’hiver (et des précédents films visionnés pour ce marathon).

Poster du film Captain America: le Soldat de l’hiver (2014) réalisé par Joe & Anthony Russo.

Dans les épisodes précédents

Steve Rogers a connu son lot de changements depuis qu’il est devenu Captain America. Il a sauvé l’Amérique et le monde de la folie meurtrière de Crâne Rouge, le chef de la cellule scientifique des Nazis appelée HYDRA ; il a été plongé en stase cryogénique lorsqu’il s’est crashé dans l’Arctique pour être réveillé par le S.H.I.E.L.D. 70 ans plus tard ; il a été recruté par Nick Fury pour retrouver le Tesseract, l’atout secret d’HYDRA, récupéré par Loki ; et il s’est associé à d’autres héros pour sauver la Terre d’une invasion extraterrestre menée par ce dernier, apprenant par la même à quel point le monde dans lequel il se trouve est différent de celui d’où il vient.

Les deux films dans lesquels il apparaît ont permis de nous habituer à un Steve Rogers droit dans ses bottes et à l’aise avec ses convictions. Captain America est le super-héros qui sera toujours d’attaque pour combattre tout tyran qui souhaiterait limiter les libertés individuelles et, depuis Avengers, on sait qu’il n’est pas si dupe que ça concernant les intentions de son propre gouvernement, et qu’il est même prêt à ne dépendre en aucun cas du S.H.I.E.L.D. pour mener à bien son combat, ce qui va s’avérer extrêmement utile pour cette nouvelle aventure.

« New suit, new me » ?

Steve Rogers/Captain America

On commence donc le film avec la rencontre de Steve Rogers avec Sam Wilson. Les deux échangent sur les difficultés à s’adapter à la vie loin du front, et on voit que Steve est encore en train de rattraper son retard. Bien qu’on pourrait s’attendre à ce que Rogers se sente mal à l’aise dans le monde moderne, il semble ne pas trop avoir de difficultés à s’adapter à la modernité. On découvre également qu’il est devenu un agent du S.H.I.E.L.D., et qu’il intervient souvent aux côtés de son ancienne co-Avenger, Natasha Romanoff alias Veuve Noire (que l’on va commencer à appeler Black Widow en raison d’une absence de traduction dans la VF).

Steve exprime assez rapidement son dédain pour l’emploi que le S.H.I.E.L.D. fait de sa personne ainsi que des techniques douteuses que Fury utilise pour empêcher de compromettre l’agence, comme la compartimentation de l’information. Rogers est un soldat plongé dans un monde d’espions. Alors qu’il a l’habitude de coopérer en se basant sur la confiance qu’il a en ses coéquipiers, il se retrouve à devoir commander un ensemble d’agents dont certains ont des objectifs dont il n’a pas la connaissance. De plus, il a du mal à supporter le fait qu’il ne sache jamais vraiment pour quoi il se bat, à cause de la tendance du S.H.I.E.L.D. à tout garder secret.

On apprend également que beaucoup de ses anciens amis sont morts depuis son crash en 1945. La scène de ses retrouvailles avec Peggy est très touchante : on croit comme lui qu’il a enfin un lien entre le nouveau et l’ancien mondes, qui plus est la femme qu’il aime. Pourtant, le spectateur tout comme le personnage sont forcés de déchanter lorsqu’ils voient que Peggy n’a pas échappé aux affres du temps et que ce lien n’est finalement pas possible à cause de ses troubles de la mémoire.

Enfin, Rogers découvre que le S.H.I.E.L.D. a développé, avec l’approbation du Conseil de Sécurité de l’O.N.U., un projet destiné à prévoir les menaces et à les déjouer avant qu’elles ne soient mises à exécution. Ce projet, qui met en avant la sécurité au détriment de la liberté, va à l’encontre des convictions de Rogers, qui s’y oppose, là où Fury affirme qu’il est persuadé que c’est là la clé pour offrir la paix au monde.

Steve Rogers est donc un individu particulièrement seul, que ce soit idéologiquement (son propre gouvernement ne croit plus en la liberté), socialement (ses amis sont morts et ses collègues sont indignes de confiance) et professionnellement (l’espionnage n’est clairement pas son domaine d’action privilégié). Cependant, la scène où il rentre chez lui et croise sa voisine de palier montre qu’il est prêt à aller de l’avant, à accepter sa situation, puisqu’il commence à tenter quelques trucs normaux comme proposer un café à une femme qui semble lui plaire.

Cette scène précède malheureusement la tentative d’assassinat de Nick Fury par le Soldat de l’hiver, ce qui plonge Captain America dans une spirale infernale où il est pris pour cible par la même agence qui l’embauchait et prend conscience du côté sombre d’une vie d’espion. Steve se retrouve poursuivit sans pouvoir faire confiance à qui que ce soit parmi ses collègues. Tous des espions, aucun soldat. C’est cela qui le pousse à chercher de l’aide auprès de Sam, avec qui il partage la même culture du soutien mutuel promue par la vie à l’armée.

Cependant, alors qu’il commençait à s’habituer à ce que seuls ses souvenirs (et une exposition sur lui) soient les vestiges de son ancienne vie, il retrouve un nouveau lien avec cette époque, en la personne du Soldat de l’hiver, qui s’avère être Bucky Barnes, son meilleur ami mort lors d’une mission pour capturer le Dr. Arnim Zola, bras droit de Crâne Rouge, vers la fin de la guerre. Alors qu’il était à peine résigné à rester dans le présent sans être hanté par sa propre époque, Rogers retrouve un visage bien trop familier et proche pour laisser tomber.

Néanmoins, à ce stade du film, Steve a déjà trouvé un véritable but. En effet, on avait pu voir dans Avengers que Steve avait du mal à trouver sa place dans ce nouveau monde, trop absorbé par celle qu’il tenait dans l’ancien. On devine qu’il a rejoint le S.H.I.E.L.D. en espérant faire son devoir, mais que son travail au sein de l’agence ne le satisfait pas. En découvrant que le S.H.I.E.L.D. a été noyauté par HYDRA, la même organisation qui avait poussé la S.S.R. à faire de lui Captain America, il a enfin trouvé une cible précise.

Contrairement à son temps passé au S.H.I.E.L.D., il sait contre quoi et pour quoi il se bat. En quelque sorte, la révélation qu’Arnim Zola était encore « vivant » a été bénéfique pour Rogers, qui a désormais une motivation satisfaisante dans ce présent où il se sentait si seul et inutile. C’est ainsi que, avec la réapparition d’HYDRA (qui n’est pas totalement détruite à la fin du film), Rogers possède un nouveau combat à mener sans avoir de doutes quant au bien fondé de son action. Et en plus, ce combat, il ne le mènera pas seul.

Bucky, quant à lui, est tout un symbole pour Cap : il est son meilleur ami, le seul qui faisait attention à lui avant même d’être en lice pour devenir Captain America ; il est aussi son fidèle compagnon qui l’a suivi durant toutes ses aventures ; il est son premier échec en tant que Captain America, puisque ce dernier n’a pas pu le sauver ; et il est le seul à être revenu apparemment intact de son passé, bien qu’on se rende compte plus tard que Bucky n’est plus vraiment Bucky.

Rogers cherche donc à retrouver le Soldat de l’hiver, dans l’espoir à la fois de sauver son ami de l’influence d’HYDRA, comme pour rattraper son erreur passée, et de retrouver un fragment de sa vie d’antan, de ne plus être seul. Même lorsque le Soldat de l’hiver ne semble pas se souvenir de lui ou de lui-même, Steve cherche désespérément à faire revenir Bucky, même si cela doit lui coûter la vie. Après tout, il s’est déjà sacrifié pour des millions de vie et a déjà réussi à nouveau à sauver le monde : il n’a plus rien à perdre, à part son propre ami.

Il obtient malgré tout la confirmation que Bucky est toujours présent lorsque le Soldat de l’hiver le sauve de la noyade dans le Potomac après sa chute de l’Héliporteur d’Insight. Il est désormais certain que Bucky peut être sauvé, et ce qui est sûr avec le Captain Rogers, c’est que sa certitude est inébranlable. On le quitte donc en compagnie de Sam Wilson, son nouvel allié, alors que les deux se lancent à sa recherche, tout en démarrant une croisade contre HYDRA.

Ainsi, Steve Rogers a enfin trouvé un objectif qu’il sait pouvoir atteindre dans le présent, tout en ayant gagné un lien entre cette époque et la sienne. Cela a pour effet de diviser encore plus Steve Rogers : d’un côté il est prêt à avoir une place dans le monde qui l’a accueilli, mais de l’autre il est hanté par un véritable fantôme qui le tire sans arrêt vers un passé où il avait tout pour lui.

Black Widow, une véritable héroïne ?

Natasha Romanoff/Black Widow

Encore une fois, le MCU post-Avengers ne déçoit pas en proposant non pas un caméo d’un Avenger aux côtés de Steve Rogers, mais bien un rôle de soutien pour deux des personnages principaux du film Avengers : Nick Fury (dont nous parlerons un peu plus tard) et Natasha Romanoff alias Black Widow.

Jusque-là, Natasha n’était pas vraiment très développée comme personnage. Dans Iron Man 2 elle n’était que l’archétype de l’espionne russe à la beauté froide et au comportement de femme fatale. Dans Avengers, on a pu effleurer un peu ce qui motivait Black Widow à se battre au sein du S.H.I.E.L.D. puis aux côtés des Avengers. Dans ce film, on a droit à plus de temps d’écran pour Natasha, ce qui permet de confirmer certaines analyses du personnage faites dans de précédents articles ainsi que de proposer de nouvelles pistes.

Ainsi, on sait que Natasha a un passé sombre durant lequel elle a été formée pour être un assassin d’élite travaillant pour le camp opposé. Depuis que l’agent du S.H.I.E.L.D. Clint Barton l’a recrutée pour rejoindre les rang des gentils à ses côtés, Natasha cherche, à défaut de pouvoir réparer ses erreurs, à se racheter une conduite en oeuvrant pour le bien.

En tant qu’individu cependant, Natasha est sensiblement restée la même qu’à l’époque où elle travaillait pour le KGB : c’est une espionne plus qu’une personne, qui a été entraînée dès le plus jeune âge pour rester une ombre derrière un masque changeant toujours au gré des personnes qu’elle côtoie. Lorsqu’elle expose cette façon de faire à Steve Rogers, ce dernier lui fait remarquer que c’est une difficile façon de vivre. Natasha lui répond alors que c’est surtout une bonne façon de ne pas mourir.

C’est là qu’on commence à sentir dans quel monde vit Romanoff : elle n’a pas l’habitude de vivre, elle ne fait que survivre, toujours sur le qui-vive, toujours méfiante et sur ses gardes. Elle ne compte sur personne, sauf peut-être Nick Fury et Clint Barton, les deux seules personnes à avoir vu en elle le potentiel qu’elle avait à faire le bien et à épargner sa vie. C’est d’ailleurs comme ça que Cap s’en fait une amie, plus qu’une simple collègue, lorsque ce dernier lui sauve la vie quand le bunker de Zola est ciblé par un missile, alors même qu’il ne semblait pas lui faire confiance.

Cette relation devient mutuelle lorsqu’elle verbalise enfin les doutes qui l’animent et la dette qu’elle a désormais envers Rogers. On voit que le rôle qu’elle joue dans le maintien de la paix lui tient à coeur : en apprenant que pendant tout ce temps où elle pensait travailler pour le S.H.I.E.L.D. elle aidait en fait HYDRA à mener son projet à bien, elle semble amère et déçue. Cynique quant à la possibilité de maintenir le S.H.I.E.L.D. en place malgré le fait qu’HYDRA l’ait infiltré, elle se range du côté de Steve lorsque la question se pose.

Durant les opérations au Triskelion, elle se retrouve à balancer tous les secrets, toutes les données du S.H.I.E.L.D. sur Internet, y compris ses propres secrets. On la voit hésiter d’abord, pendant une fraction de seconde. Je pense que c’est parce que, l’espace d’un instant, elle réalise qu’elle n’aura plus de masque derrière lequel se cacher. Pour elle, c’en sera finit de pouvoir échapper à son passé tout comme à sa propre vulnérabilité face au reste du monde.

D’une certaine manière, en faisant le choix de tout révéler en dépit de cette perspective, Black Widow accomplit un sacrifice semblable à celui de Steve Rogers tout en effectuant la même avancée personnelle que Tony Stark à ses débuts. En faisant passer les intérêts du monde et de chacun de ses habitants avant sa propre personne, Natasha accomplit un acte héroïque, même s’il ne semble pas aussi spectaculaire que se crasher dans la calotte glaciaire ou traverser un portail vers l’espace.

En plus de cela, en sacrifiant toutes les couvertures qu’elle a pu acquérir pour se protéger, Natasha accepte enfin cette vulnérabilité, et renonce à son mode de vie secret et manipulateur, pour s’adapter à un monde qui ne sera plus celui des espions. Elle quitte Rogers pour aller se reconstruire, incognito, après avoir affirmé face à un comité gouvernemental qu’elle et Rogers restent les personnes les plus compétentes pour protéger le monde, montrant sa confiance en ses propres raisons de se battre. Elle ne se pose plus vraiment en agent ou en espionne dépendant de la volonté d’une organisation, elle se pose en héroïne, qui prend la responsabilité de faire ce qu’il faut.

Ce film permet donc non seulement une meilleure exposition de la personnalité de Natasha, mais aussi de la faire avancer en tant que personnage. C’est à mon sens le premier film où Natasha se voit accordée une place aussi significative par les scénaristes. De simple beauté fatale elle devient un peu plus élaborée et, surtout, plus faillible, bien qu’encore un peu trop distante pour pouvoir s’y identifier et comprendre toute sa logique. Hâte donc de voir vers où elle se dirige.

Ooooh un p’tit nouveau ! 😀

Sam Wilson/Falcon

Avec ce film on a le droit à une autre origin story, celle de Sam Wilson, alias Falcon, un vétéran de l’U.S. Air Force qui a combattu durant la guerre contre le terrorisme et participé à des tests pour expérimenter l’utilisation des Exo-7 Falcons, des machines servant à créer des combattants volants. Durant l’une de ses missions en Afghanistan, Wilson a perdu son ailier, Riley, ce qui l’a poussé à quitter les rangs et se concentrer sur le soutien qu’il pouvait apporter aux vétérans souffrant de stress post-traumatique.

Sam partage de nombreux points communs avec Steve : comme lui, il a participé à des tests pour un dispositif militaire ambitieux qui lui a permis de mener des missions très connues dans le milieu ; comme lui, il a perdu son partenaire et ami lors d’une mission ; comme lui, il a du mal à bien se réadapter à la vie après la guerre.

Sam sert pour l’instant surtout de faire-valoir, bien qu’il s’illustre à plusieurs moments comme un voltigeur talentueux, un combattant compétent et un bon allié. Son rôle sert surtout à rappeler la capacité d’inspiration de Captain America : Sam n’a pas besoin de plus que la nécessité de Steve d’avoir des alliés pour rempiler. C’est d’ailleurs une caractéristique importante de Captain America, que l’on a pu déjà observer dans Avengers. Il agit parce qu’il est certain qu’il se bat pour l’alternative la plus juste, et parce qu’il le doit : peu importe qu’il soit seul ou accompagné, il le fera quand même.

C’est d’ailleurs pour cela qu’HYDRA rencontre une certaine résistance dans le S.H.I.E.L.D., même avant d’être révélé : tous, à l’instar de l’Agent 13, se demandent pour quelle raison ils devraient poursuivre Captain America alors qu’ils savent très bien que ce dernier est motivé par la conviction de faire la bonne chose. C’est aussi ce qui pousse les agents du S.H.I.E.L.D. à prendre les armes à l’appel de Cap contre les agents d’HYDRA.

En bref, Sam Wilson est avant tout un sidekick qui suit Cap parce qu’il sait qu’en se battant à ses côtés, il fera forcément la bonne action, le bon choix. Pour reprendre ses propres termes : Captain America qui a besoin de son aide est la meilleure raison de rempiler et reprendre les armes.

Nick Fury est mort, vive Nick Fury.

Nick Fury & HYDRA

Ce film permet à Nick Fury de s’illustrer un peu plus tout en accordant une grande importance à sa façon de penser. On peut donc avoir la confirmation que Fury a bien changé depuis que Carol Danvers s’est invitée sur sa planète, presque 20 ans plus tôt. Néanmoins, certains de ses réflexes aperçus dans Captain Marvel ont subsisté. Ainsi, Fury fait encore beaucoup confiance en son instinct, qui le pousse à prévoir toutes les éventualités et d’y trouver des solutions.

D’une certaine manière, c’est cette façon de réfléchir qui a poussé Fury à développer le Projet Insight, à ceci près que Fury est devenu quelqu’un de cynique, qui vit dans un monde où la menace peut venir de n’importe, et qu’il faut, pour que la planète soit prête à se défendre, que ses ennemis internes soient détectés avant qu’ils ne trahissent leur propre peuple. Fury a beau croire aux héros, il reste un espion qui, en l’absence d’Iron Man, Thor et compagnie, ne peut se contenter d’attendre la prochaine menace qui les fera se réunir.

Néanmoins, c’est également son instinct qui le pousse à vérifier le bien fondé de ce projet, en engageant Batroc pour pirater le Lemurian Star et récolter les données relatives à son lancement par l’intermédiaire de Black Widow. Lorsqu’il se rend compte que quelque chose ne va pas, il tente de persuader Alexander Pierce de retarder le lancement du projet, ce qui fonctionne jusqu’à ce que Pierce retourne la situation en la faveur d’HYDRA.

Ce qui est très intéressant dans la situation présentée dans le film, c’est qu’on a une opposition entre la liberté et la sécurité. Nick Fury, pour tenter d’instaurer une paix durable, cherche à détecter les menaces et les prévenir, contrairement à Captain America qui préfère combattre les menaces lorsqu’elles se font sentir, en toute liberté. En soi, les deux visions sont valables, mais le piège vient du fait que le Projet Insight offre beaucoup de pouvoir à une poignée d’individus, qui peuvent facilement servir un but idéologique précis et donc détourner Insight de son projet initial.

On en revient donc à l’éternel problématique liée au pouvoir et aux raisons de s’en servir. Nick Fury veut utiliser le Projet Insight afin de mieux prévenir les actes criminels sur Terre, ce qui permettrait de concentrer le gros des forces du S.H.I.E.L.D. contre les problèmes plus complexes (type invasions extraterrestres) ; Alexander Pierce et Arnim Zola veulent utiliser le Projet Insight pour instaurer un ordre nouveau en éliminant les humains qui font « un mauvais usage de leur liberté », ce qui dans les faits revient à anéantir toute trace de résistance. C’est là la limite que Fury ne dépasse pas, rappelant qu’il reste quelqu’un de bien, malgré son point de vue pragmatique et cynique du monde actuel.

Ce point de vue s’associe également à une façon de faire minutieuse liée à la méfiance générale portée par Fury à l’ensemble du monde, et pas seulement celui de l’espionnage, puisqu’il ne se prive pas pour dissimuler des informations à Steve Rogers. Il parle d’ailleurs de la perte de son oeil comme s’il s’agissait d’un événement qui a défini sa façon d’appréhender le monde, ce qui est hilarant (parce que sa façon de le dire est extrêmement dramatique par rapport aux faits établis par Captain Marvel) mais pourtant vrai.

En effet, on se souvient que Fury ne se méfiait pas assez des apparences dans Captain Marvel. Cependant, la perte de son oeil suite à la griffure de Goose le Flerken coïncide avec une série d’événements qui ont fait que Fury s’est rendu compte qu’il vivait dans un monde où les apparences ne pouvaient pas être son seul facteur de jugement (rapport aux aliens métamorphes qui ont réussi à infiltrer le S.H.I.E.L.D. sans problème). On voit d’ailleurs à la fin de Captain Marvel qu’il commence déjà à dissimuler de nombreuses informations à l’agent Coulson. Même si cela est tourné d’une façon comique, on voit les débuts du Fury secret et méfiant dans cette scène, dont le Fury que l’on a suivi dans Captain America: le Soldat de l’hiver est la suite logique et en quelque sorte son paroxysme, vingt ans plus tard.

Fury a cependant trop versé dans le secret, il est beaucoup trop plongé dans ce mode de vie, qu’il considère comme plus confortable pour lui. C’est pour cela que, même en ayant survécu à son assassinat, même lorsque les secrets de son organisation ont été révélés au grand jour, Fury décide de rester dans l’ombre, d’où il peut tirer les ficelles en toute impunité.

« C’est qui ça, Bucky ? »

Le Soldat de l’hiver

Bucky Barnes fait donc un retour magistral dans ce film, bien qu’il ne s’agisse pas vraiment du même personnage sûr de lui, comique et profondément bon que l’on avait pu voir dans Captain America: First Avenger. A la place, on a droit à un personnage mystérieux, peu expressif, mais dans lequel on peut encore parfois trouver des signes de l’existence de Bucky dans son esprit, malgré toutes les épreuves qu’on lui a infligées.

En effet, le Soldat de l’hiver est une personne brisée, qui a été réduite à une arme par des procédés cruels et sadiques, dont l’objectif était d’effacer sa véritable identité. On se doute qu’HYDRA n’a jamais eu de réels soucis à le faire obéir, jusqu’à ce que Steve Rogers ne refasse surface et qu’il prononce pour la première fois en 70 ans le surnom « Bucky ». On voit en effet à partir de là qu’un doute commence à pointer dans l’esprit fragmenté du Soldat de l’hiver, si bien qu’il est obligé de subir une séance d’électrochocs. 

Il est néanmoins à nouveau déstabilisé lors de sa rencontre suivante avec Captain America. Fidèle à lui-même, Steve tente de sauver Bucky, et fait preuve d’autant d’affection et de dévouement qu’il l’a toujours fait, comme on avait pu le voir lors du sauvetage de Barnes par Rogers de la base d’HYDRA, dans Captain America: First Avenger. Néanmoins, le Soldat de l’hiver a subit un nombre important de sévices, et il a notamment associé le doute à tout un tas de violences qu’il a subit dans le but de lui remettre sa mission en tête.

Ainsi, lorsqu’il est en proie au doute face à Steve, il ne répond que par la violence, en espérant que le doute s’estompera. En somme, il essaie de réprimer ses faiblesses comme HYDRA l’a toujours fait, mais cela ne fonctionne pas. Face à l’échec de sa tentative de supprimer le doute en accomplissant sa mission, le Soldat de l’hiver tente alors une autre approche, en sauvant Steve Rogers, avant de s’en aller.

Ce personnage ne connaît qu’un début d’évolution certes, mais c’est parce qu’il fait suite à une redéfinition très importante (presque totale même) de sa psychologie. La scène post-générique qui lui est dédiée permet de voir qu’il entame à la suite du sauvetage de Rogers un cheminement afin de découvrir qui il est, incognito. Il a la preuve sous les yeux que ce que Steve lui disait était vrai. On sent dans son regard toutes les questions, toutes les émotions contradictoires que cette preuve suscite. Mais ceci est une autre histoire…

Ainsi commence l’âge des miracles

Point Scène(s) Post-Générique

On vient de parler de la deuxième scène post-générique dédiée au Soldat de l’hiver/Bucky Barnes, mais pas de la première.

Elle nous montre que, même si le monde a bel et bien été débarrassé de Pierce et Zola, HYDRA a bel et bien subsisté, et que l’organisation, désormais morcelée à la façon d’une organisation terroriste, a encore bien plus d’un atout dans sa manche, puisqu’on peut voir que l’une de ses cellules possède le Sceptre apporté par Loki dans Avengers, et qu’il a permis à HYDRA de donner des pouvoirs à des humains.

Affaire à suivre…

En bref

Captain America: le Soldat de l’hiver permet un tour de force en proposant un film de super-héros mélangé à un film d’espionnage qui peut aussi faire office de thriller politique. En mélangeant les genres, le film permet d’aborder des sujets d’actualité (qui le sont encore de nos jours, d’ailleurs) comme les problèmes posés par la surveillance globale et la tendance sécuritaire suivie par un bon nombre de gouvernements.

En abordant de tels sujets par le point de vue de Steve Rogers, il redéfinit les enjeux auxquels le héros fait face, et recontextualise ses convictions et sa façon de penser. Bref, il remet Captain America au goût du jour, en plus de lui apporter de nouveaux enjeux émotionnels. Sans dire que ce film a fait de Captain America un personnage autant apprécié que Tony Stark, il a grandement contribué à sa hausse de popularité, et est encore aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs films du MCU. 

Le film est également le premier depuis Avengers à apporter autant de changements à l’univers en lui-même. Ainsi, on a droit à la chute du S.H.I.E.L.D., élément central du MCU, ce qui redistribue les cartes et ouvre d’autres problématiques, comme montré par son épilogue et ses scènes post-générique. Il est d’ailleurs honorable de la part du MCU de se défaire d’un tel monument dans son univers, qui plus est dans un film solo dont le public était loin d’avoir la même importance que celui d’Iron Man. De plus, il apporte quelques réécritures à sa mythologie, en révélant que les parents de Tony Stark ont été en fait assassinés par HYDRA, ou que le sénateur Stern, qui avait tenté de réquisitionner l’armure d’Iron Man pour le gouvernement dans Iron Man 2, était en fait un agent d’HYDRA.

Par bien des aspects, Captain America: le Soldat de l’hiver propose une nouvelle définition de ce qu’attendent les fans lorsqu’ils viennent visionner un film Marvel : une aventure alliant aussi bien des enjeux mondiaux que des intrigues personnelles, assurant aussi bien du spectacle que des émotions. De plus, associé à Iron Man 3Captain America: le Soldat de l’hiver contribue à établir une volonté d’obtenir des films un peu plus subversifs, qui ne reculent pas devant le mélange des genres ou des révélations pouvant transformer d’un film à l’autre la face de l’univers qu’ils dépeignent, sans qu’il n’y ait besoin d’avoir un film à l’échelle d’Avengers pour les justifier.

Comparé à Thor: le Monde des ténèbres, ce film est donc un véritable chef-d’oeuvre, que j’ai autant plaisir à regarder une énième fois aujourd’hui que quand j’étais allé le voir au cinéma.

Ce sera tout pour aujourd’hui. Je vous retrouve la prochaine fois pour parler d’un autre film très apprécié du MCU, Les Gardiens de la Galaxie. A plus !

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